ARTICLE SUR L'EMPREINTE CARBONE DANS LES MÉTIERS DE LA TRADUCTION ET SUR SON ÉVOLUTION

Juillet - août 2024

Thème : l'empreinte carbone des métiers de la traduction est-elle acceptable ?

JUILLET - AOÛT 2024 : ARTICLE SUR L'IMPACT DE L'EMPREINTE CARBONE DES MÉTIERS DE LA TRADUCTION ET SON ÉVOLUTION

L'empreinte carbone représente la quantité d'émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par les activités humaines. Elle est exprimée sous la forme d'un indicateur qui permet de mesurer l’impact de l’activité d’une personne, d’une entité ou d’un pays sur l’environnement. Cet impact est généralement exprimé en dioxyde de carbone équivalent ou CO2e. Selon l'INSEE, je cite : « L'empreinte carbone de la France est donc constituée : 
    des émissions directes de GES des ménages (principalement liées à la combustion des carburants des véhicules particuliers et la combustion d'énergies fossiles pour le chauffage des logements) ;
    des émissions de GES issues de la production intérieure de biens et de services destinée à la demande intérieure (c'est-à-dire hors exportations) ;
    des émissions de GES associées aux biens et services importés, pour usage final des ménages ou pour les consommations intermédiaires des entreprises pour produire les biens et services destinés à la demande intérieure. » (Source : https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/:~:text=L'empreinte%20carbone%20repr%C3%A9sente%20la,le%20territoire%20national%20ou%20import%C3%A9s.)

Les émissions de gaz à effet de serre (GES)

Il existe 6 gaz à effet de serre : le dioxyde de Carbone (CO2, combustion des énergies fossiles, agriculture et élevages intensifs, déforestation), le méthane (CH4, élevage de bovins et ruminants), l'hydrofluorocarbure (HFC, exploitations minières et pétrolières, décharges d'ordures), le protoxyde d'Azote (N2O, industries du froid et automobile), le perfluorocarbure (PFC, climatiseurs et systèmes de froid, extincteurs) et l'hexafluorure de Soufre (SF6, industrie pharmaceutique). (Source : https://www.hellocarbo.com/blog/reduire/empreinte-carbone-definition/)

L'empreinte carbone des métiers de la traduction

L'industrie de la traduction doit aussi faire face à ses responsabilités concernant son empreinte carbone. En effet, tous les projets professionnels de traduction sont font de nos jours avec un ordinateur qui utilise la plupart du temps un ou plusieurs outils de TAO (Traduction Assistée par Ordinateur ou CAT pour Computer Assisted Translation en anglais), des échanges par e-mails ou conversations instantanées, des dictionnaires en ligne, des sites Internet dédiées, des suites de logiciels comme Microsoft Office ou bien d'autres outils en ligne encore.

La traduction automatique

De plus en plus répandue, même si certains traducteurs professionnels ne l'utilisent pas du tout ou peu, la traduction automatique et tous les outils dopés ou non à l'Intelligence Artificielle (IA) est un sujet qui nécessite de se poser beaucoup de questions en matière d'environnement et de consommation d'énergie.
L’impact du numérique au sens large sur le réchauffement climatique est très important, mais quel est celui des moteurs de traduction automatique en ligne comme DeepL ou Google Traduction ?
Des chercheurs indiens ont fait une étude sur ce sujet, notamment pour découvrir quelle paire de langues avait le plus d'impact dans ce domaine parmi les combinaisons linguistiques entre l’anglais, l’allemand et le français. Ils ont utilisé le logiciel CodeCarbon pour évaluer les émissions de dioxyde de carbone (CO2) produites par les moteurs de traduction automatique, en mesurant le niveau de respect de l'environnement de ces différentes paires de langues.
C'est notamment l'apprentissage profond (deep learning) et le développement à grande échelle de la traduction automatique (ainsi que des modèles de programmation neuro-linguistiques (PNL) de manière plus générale) qui pourraient avoir des conséquences néfastes sur l'environnement, que leur consommation d'énergie soit neutre en carbone ou non. L'énergie utilisée pour l'apprentissage des moteurs de traduction automatique pourrait contribuer directement ou indirectement aux effets du changement climatique, d'après les chercheurs.
En évaluant les différences d'émissions de carbone par paire de langues, les chercheurs espéraient ouvrir la voie à une approche plus écologique de l'apprentissage concernant la traduction automatique, qui tienne compte des performances spécifiques d'une paire de langues.
Les résultats sont cependant surprenants, car c’est la paire de langues français>allemand qui est la plus énergivore. C’est d’ailleurs l’allemand d'une manière générale qui sollicite et consomme le plus parmi les moteurs de traduction pris en compte lors de l'étude. En effet, les modèles linguistiques nécessitent une grande quantité de puissance de calcul et de données. L'anglais est en revanche la langue la moins énergivore et qui obtient les meilleurs résultats ! En fait, c'est probablement parce qu'elle possède le plus grand nombre de corpus et de références disponibles pour la traduction automatique et que ses réseaux sont donc moins sollicités.
Ainsi, en analysant plus en détails les résultats, on constate très vite que les paires de langues cibles allemandes ont affiché les scores en bleu les plus bas. Selon les chercheurs, la traduction vers l'allemand pourrait être plus complexe à calculer que la traduction vers le français ou l'anglais.
En termes de temps d'apprentissage, les paires de langues français>allemand, anglais>allemand et allemand>français ont été les plus longues à former et, par conséquent, les paires les plus gourmandes en carbone. La paire de langues français>allemand était la plus gourmande en calcul pour les deux modèles.
En revanche, les paires anglais>français, allemand>anglais et français>anglais, qui impliquent chacune l'anglais comme langue source ou cible, ont nécessité moins de temps d'apprentissage et ont été les moins gourmandes en carbone.
Toutefois, si la traduction automatique n'est que pas un grand responsable des émissions de gaz à effet de serre, les chercheurs ont conscience qu'il est peu probable que les défenseurs de l'environnement boycottent la traduction automatique, mais pensent qu'il est quand même impératif d'étudier l'efficacité carbone de la traduction automatique,. 

La traduction humaine 

La traduction humaine en dehors des agences de traduction est souvent exercée à domicile par un travailleur indépendant qui aménage son bureau dans une pièce de sa maison ou de son appartement. L'activité se pratique donc essentiellement en télétravail avec un ordinateur, un bureau et une chaise, une connexion Internet, un téléphone fixe et un smartphone, parfois une imprimante et du papier, quelques stylos et d'autres accessoires selon les besoins. C'est une façon donc plutôt écologique de travailler à condition bien sûr de faire une utilisation raisonnée du chauffage et de la climatisation. Les déplacements quotidiens en voiture sont assez rares dans le cadre professionnel. L'impression de documents sur papier n'est presque plus nécessaire et peut tout à faire être abandonnée ou limitée. Dans le cas où elle est quand même utilisée, elle peut se faire sur du papier recyclé afin de servir de brouillon car les clients ne demandent plus d'envoi de documents traduits par courrier depuis très longtemps. En cas de besoin, il est possible d'utiliser des cartouches d'encre reconditionnées et des polices d'impression économiques. 
D'une manière générale, le matériel réutilisable et rechargeable doit être préféré aux consommables jetables. Le tri des déchets est également possible comme dans la vie quotidienne. Les achats doivent aussi être réfléchis et privilégier les objets et outils recyclés, durables, reconditionnés et/ou réparés. Ne pas oublier de se renseigner sur les labels écologiques et éteindre les appareils le soir une fois la journée de travail terminée.
Comme tous les professionnels, les traducteurs ont besoin de se former régulièrement et ils peuvent favoriser les formations à proximité ou à distance.
En effectuant des recherches, indispensables au métier, les traducteurs écologiques peuvent aussi utiliser des moteurs de recherche plus respectueux de l'environnement que les géants gros consommateurs de données et d'énergie. Les plus connus sont Ecosia, Lilo et Ecogine. Le choix du navigateur est également important car certains sont plus énergivores que d'autres et comme cette consommation varie selon les versions, il est intéressant de se reposer régulièrement la question et de changer de navigateur si nécessaire. Ne pas oublier non plus de vider le cache régulièrement pour réduire l’espace de stockage local nécessaire.
L'utilisation d'un logiciel de traduction assistée par ordinateur (TAO) est aussi écologique d'une certaine façon car les mémoires et des bases terminologiques utilisées pour les projets volumineux de clients réguliers permettent de réduire considérablement les recherches. L'utilisation de ressources sur papier est encore possible en 2024 et permet de s'économiser également les yeux très sollicités dans cette profession.
Pour communiquer, comme le traducteur travaille souvent seul à son domicile, l'utilisation des télécommunications est indispensable, mais des pratiques plus respectueuses de l'environnement sont toutefois possibles en faisant attention à la taille des pièces jointes envoyées ou en privilégiant des solutions de stockage temporaire des gros fichiers, en gérant les messageries utilisées, en limitant le spam et en nettoyant régulièrement la boîte de réception et les e-mails envoyés et stockés, etc.
Bien sûr, les méthodes de travail modernes ne permettent plus de se passer totalement d'outils numériques mais les traducteurs comme les autres professionnels peuvent essayer de réduire leur empreinte carbone afin de participer à l'effort collectif. (Source : https://journals.openedition.org/traduire/1971?fbclid=IwAR08bvKTeKXiUEipxYy_FPPF_tVPU-Z_uozmkUGHsiMbnWww-v0lIYgqabI#tocto2n18)

Écotraduction

Dans son ouvrage en anglais, Eco-Translation: Translation and Ecology in the Age of the
Anthropocene, Michael Cronin en 2017 déjà évoquait la traduction et l’interprétation comme moyens du développement durable, et notamment la lutte pour les droits des animaux et dans la protection de l’environnement. Son concept d’écotraduction s'intéresse aux enjeux environnementaux, et notamment la pollution causée par la traduction automatique ou la traduction machine effectuée grâce à l'Intelligence Artificielle (IA). Son ouvrage aborde plusieurs aspects mais en résumé il est intéressant de souligner les points suivants qui partent de ce constat : l'écologie fait désormais partie des questions centrales qui déterminent la survie et la durabilité des sociétés humaines, des cultures et des langues. Dans cette étude pertinente, Michael Cronin examine comment la perspective de l'Anthropocène, ou l'effet des humains sur l'environnement mondial, a de profondes implications sur la façon dont la traduction est considérée dans le passé, le présent et l'avenir. Partant d'une histoire détaillée de la traduction et abordant des thèmes tels que l'écologie alimentaire, la traduction entre espèces et les technologies vertes de traduction, ce livre de réflexion offre une perspective intéressante et finalement pleine d'espoir sur la façon dont la traduction peut jouer un rôle essentiel dans la pérennité de la planète. (Source : https://books.google.fr/books/about/Eco_translation.html?id=2PUYswEACAAJ&redir_esc=y)

Conclusion

La profession de traducteur est de nos jours très dépendante des outils numériques et des télécommunications au sens large et elle a donc un impact sur l'environnement non négligeable. L'information circule très vite et les besoins en traduction sont de plus en plus nombreux. Chaque traducteur, indépendant ou salarié, doit réfléchir à sa propre façon de travailler et d'aménager son espace de travail, en télétravail ou en entreprise. L'approche est assez similaire à la réflexion que doit mener chaque citoyen à son échelle. Certaines pistes d'économie d'énergie sont d'ailleurs les mêmes dans la vie privée et professionnelle. Le futur ne se fera pas sans outils numériques et ils devraient même être de plus en plus utilisés. Les questions et les défis d'aujourd'hui seront donc toujours d'actualité dans 10, 20 ou 30 ans. Pour ma part, je n'utilise plus du tout de papier, je ne possède pas d'imprimante et j'essaye de faire attention au volume des fichiers stockés et transférés. Mon approche est similaire pour les e-mails. Je limite ma consommation de chauffage et je n'utilise pas de climatisation. Je change mes outils professionnels (téléphone et ordinateur) le moins souvent possible. Je ne fais quasiment pas de déplacements professionnels, et le cas échéant, je prends le train. Je me documente le plus possible à ce sujet, mais pour être honnête aucun de mes clients ne m'a jamais demandé quelle était ma politique à ce sujet, même dans le cas de projets de traduction sur l'environnement et l'écologie. Mais, un jour si l'un d'entre eux souhaite connaître mes pratiques je les mettrai en avant comme un atout car chacun à son échelle devrait considérer son empreinte carbone avec beaucoup d'intérêt et tenter de la réduire au quotidien.

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Stéphanie Cordier   -   Traductrice   -   Translator   -   Übersetzerin

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